Macramé, vous avez dit Macramé(s) ?

Pourquoi le macramé personnifie tant les années 70 ?  Une époque où un retour à la nature était prôné sur divers fronts… 

C’est peut-être dans cette réponse que s’explique en partie la réputation mais également le renouveau de cet artisanat qui refait surface depuis quelques années dans des dimensions contemporaines.

Qu’est-ce que le macramé ?

Une petite définition du dictionnaire ne fait jamais de mal pour mettre tout le monde d’accord !
Macramé : Dentelle d'ameublement assez lourde, obtenue avec des fils tressés et noués à la main (Larousse)

Bordure franges en macramé, réalisée par Emma Chapman, Angleterre, 1900-1920 - Victoria&Albert Museum
Bordure franges en macramé, réalisée par Emma Chapman, Angleterre, 1900-1920 - Victoria&Albert Museum
Quatre tresses en paille pour chapeaux, Jacob Isler & Co., Wohlen, 1860-1870 - Victoria&Albert Museum
Quatre tresses en paille pour chapeaux, Jacob Isler & Co., Wohlen, 1860-1870 - Victoria&Albert Museum

 

Petit retour historique pour planter le décor

A l’image des origines du tricot, celles du macramé demeurent nébuleuses, car il existe peu d’informations sur les débuts de la pratique. Etymologiquement dérivé de l’arabe « migramah » et du turc « mahrama » qui signifient « frange », le macramé est une pratique très ancienne qui permettait de nouer l’ensemble des fils à la bordure d’un tissu, offrant une fonction « d’arrêt » des fils et bien entendu une valeur esthétique dans le développement des frises de motifs ornementaux.
L'origine de la propagation du macramé en Europe vient certainement des échanges avec l’Orient. On retrouve la technique en France et en Italie au XVe siècle, qui se mêle étroitement aux savoir-faire de certaines dentelles. Après plusieurs vogues, notamment à l’époque victorienne en Angleterre, au début du 20ème siècle puis dans les années hippies, le macramé semble sombrer régulièrement dans l’oubli pour mieux renaître.

Selon les époques, le macramé est utilisé dans la mode soit en finition soit pour des accessoires tels que des sacs ou ceintures et dans la maison pour de petits objets comme des tapis, des coussins, des abat-jours. Le macramé trouve sa place également en extérieur, qu’il soit en hamac ou en remplacement des toiles de chaises longues. En effet les objets faits de nœuds sont résistants, aussi, le macramé a longtemps été une technique recherchée pour des accessoires promis à un rude usage.

Le jardin des modes nouvelles 1913 – Gallica BNF
Le jardin des modes nouvelles 1913 – Gallica BNF
Couverture du livre « Things in rings » par Corinne Nelson 1979
Couverture du livre « Things in rings » par Corinne Nelson 1979

Les marins et le macramé

Comme pour le tricot, le rôle des marins n’est pas en reste dans la propagation du macramé. Compétence essentielle en navigation, le nœud plat, travaillé avec un gros matériau comme la corde ou le filin… A partir de cette technique de base, les marins développeront plusieurs déclinaisons utiles et décoratives telles que des jupes de mât, des sacs à rangement au bord des couchettes ou encore des tirettes de cloches.

Ils trouvèrent donc dans cet art du nouage un moyen pour occuper les heures creuses d’un long voyage en mer. « Dans la tradition, les hommes des voiliers passaient des heures à travailler sur quelques babioles pour ensuite la donner au premier flatteur qui l’admirât à terre ! »

En donnant leurs fabrications, les marins répandaient une connaissance de l’artisanat. Les objets noués étaient utilisés comme monnaie d’échange. A terre, au début du siècle, cette esthétique du nouage convient bien aux clubs de yachting et autres lieux de rencontre pour les marins qui aiment un décor rappelant la mer.

Agnes Hansella, Sunset, Bali
Agnes Hansella, Sunset, Bali

A grande échelle

C’est quand il est suspendu dans une position de transparence, telles que cloisons, rideaux ou directement au mur, que le macramé semble inspirer une variété infinie de formes qui appelle une application fascinante du nouage qui peut être portée à grande échelle au niveau architectural.
Agnes Hansella, artiste textile basée à Jakarta, en Indonésie, en fait la démonstration avec cette installation en macramé située à Jimbaran, une ville du sud de l'île de Bali. Fabriquée avec une corde épaisse de manille provenant des feuilles de la plante abaca – l’artiste a produit cette énorme œuvre "Sunset". Elle fait partie d'un trio d’installations qu'elle a mise en œuvre avec l'aide d'une petite équipe d'assistants grimpés sur des échafaudages. Les motifs asymétriques savamment composés et noués, dessinés par l’artiste font écho aux paysages de la région et, en même temps, offrent une protection naturelle contre la chaleur du soleil. Agnes Hansella crée également des pièces murales aux dimensions plus réduites et adaptées à la décoration de la maison, à découvrir sur son Instagram.

Sandra De Groot – Alelier Chaos
Sandra De Groot – Alelier Chaos

Sandra De Groot – Alelier Chaos
Sandra De Groot – Alelier Chaos

Dans une interprétation plus sculpturale… Sandra de Groot, fondatrice de l’Atelier Chaos imagine ces surprenants volumes textiles à porter.

S’inspirant notamment de monuments d’architectures sacrées de différentes cultures, elle explore la technique du macramé dans cette série intitulée kNOTs pour créer ces armures textiles qui mettent en avant le processus de création, sa maîtrise technique et sa créativité afin de créer un dialogue entre l’objet, le spectateur et le créateur. Sandra de Groot met en scène elle-même ses pièces qu’elle photographie, nous invitant ainsi encore plus loin dans son univers narratif et poétique.

Situé dans le centre de Groningue aux Pays-Bas, l’Atelier C H A O S incarne la diversité, le croisement, l'art et le design. En expérimentant des matières et la fusion des disciplines dans le processus de création, l’artiste explore l'artisanat et la technique de manière sculpturale et architecturale. En travaillant avec du coton naturel de haute qualité, Sandra de Groot accorde une attention toute particulière à la texture, à la structure et à la forme, soulevant comme de nombreux artistes textiles, des questions sur le temps de faire, induit par la lenteur de la technique et l'intensité qui en découle.

A la croisée de ces deux dimensions sculpturales et architecturales, l’architecte Roth Azulic voit également dans le macramé une dimension presque spirituelle : « L'union de tous les fils crée de belles pièces résistantes qui parlent d'un héritage qui reste vivant ».

L’architecte Roth Azulic accorde beaucoup de place au macramé dans sa démarche
L’architecte Roth Azulic accorde beaucoup de place au macramé dans sa démarche

L’architecte Roth Azulic accorde beaucoup de place au macramé dans sa démarche
L’architecte Roth Azulic accorde beaucoup de place au macramé dans sa démarche

En effet dans de nombreuses cultures, sur le plan symbolique ou psychologique, les nœuds représentent des engagements ou des points de blocage à dénouer.

Cette technique qui ne remonte donc pas aux années 1970, mais aux anciens Perses et Babyloniens, facile à aborder et à base de matériaux souvent assez simples n’a donc certainement pas connu sa dernière heure de gloire !

On sent, depuis une dizaine d’années, un regain d’intérêt pour l’artisanal et le textile, et plusieurs artistes viennent redorer l’image du macramé. La valeur ajoutée du fait-main, les qualités esthétiques et fonctionnelles ainsi que l’apparente simplicité, associent la technique du macramé au retour aux racines et à la nature, l’anti-industriel par excellence.

Pour aller plus loin 

Une mine d’or ! Retrouvez une sélection d'ouvrages sur la dentelle, le macramé, le crochet ou le tricot dans le parcours Textile de Gallica – base de données de la BNF :

Fan du macramé des années 70’… cet article en anglais est pour vous ! cliquez ici